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Chapitre I

La main

En bref : Histoire du cuisinier, savoir-faire, élégance ou brutalité du geste, hommages aux méthodes de

cuissons et notamment au feu, les plus belles démonstrations de perfection rencontrées sur ma route.

Extrait du chapitre La main / Sous-partie Le feu

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  En Iran, le feu symbolise là encore l’équilibre de vie des populations Kashkaïs. Membres de la plus grande population nomade de la planète, les Kashkaïs défendent un mode de vie hors du commun aux antipodes des standards occidentaux, guidés par l’autosuffisance et les valeurs fondamentales du travail et de la famille... L’été, on les retrouve sur les hauteurs des montagnes de Dana près de Shiraz, tandis qu’en hiver, ils migrent vers les vallées, là où le climat est plus clément. Les Kashkaïs vivent sous de grandes tentes en toile, jonchées par d’éblouissants tapis persans, faisant office à la fois de matelas, de protection et de décoration. Leur quotidien se caractérise par l’élevage de gigantesques troupeaux de chèvres, boucs et brebis, gardés par la main sûre des paysans et l’aide de vieux chiens fidèles.

 

   Chaque jour, les animaux sont conduits vers de nouvelles terres, là où l’herbe est plus verte, haute et grasse, nécessitant parfois de jouer des falaises abruptes et des rivières. Le soir, ils sont rapatriés aux camps, les petits retrouvent leurs mères pour l’allaitement et les accouplements s’organisent. Ces différentes étapes sont d’une importance primordiale, car la surveillance et l’agrandissement des troupeaux assurent un futur plus sain aux nomades, comme une source évidente de revenus, de lait, de laine, voire même de viande. Ainsi, le quotidien exemplaire des Kashkaïs s’articule essentiellement autour de leurs troupeaux, mais aussi des heures d’ensoleillement et des autres tâches à accomplir...

 

   Chaque matin, sous la timidité des premiers rayons de soleil, l’emploi du temps débute par la préparation du pain lavash, réalisée par les femmes, puis par la mise en liberté des animaux, guidée par l’expérience des hommes. Les mères, grand-mères et filles sont celles qui, toujours, se responsabilisent du feu, élément central de la vie et de la cuisine. Dès l’aube, elles préparent le yaourt aigre en secouant une peau d’animal remplie de lait de chèvre au-dessus des flammes. Il entre, au même titre que la farine et l’eau, dans la composition du lavash, un pain qui s’effrite en fines déchirures presque transparentes. La préparation et la cuisson du pain lavash sonnent chaque jour comme un impressionnant rituel nourricier, car il représente en effet la source première de l’alimentation Kashkaï. On le retrouve à tous les repas, trempé dans un ragoût de bademjan (aubergines), dans du yaourt aigre là encore, ou dans des œufs légèrement brouillés. Il sert enfin d’accompagnement au thé servi brûlant (considéré comme la boisson universelle des Kashkaïs et des Iraniens en général), parfois au côté de dattes ou de cerises.

 

   La cuisine est ici synonyme de simplicité, et constitue l’une des tâches les plus fastidieuses, cependant honorée dans un élan éblouissant de fermeté et de détermination...

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